J’ai commencé les collages parce que j’avais besoin de me recoller.
Un matin, sans l’avoir vu venir, comme le monde, comme le lien, moi aussi, je me suis réveillée atomisée. En lambeaux, en loques et sur un radeau, incapable d’écrire – car pour ça, il faut un stylo – je me voyais m’éteindre. Sans stylo donc, mais non sans envie, j’ai attrapé des bouts – d’âme ou de mots – pour en faire des bouées pour flotter sur la vague de copeaux de monde qui nous sert d’habitat. Je serai toujours un multiple de mille mais j’ai pu me faire croire que j’étais recollée – collage parmi les miens, au moins c’était sympa.
Parfois, il me faut tout reprendre ; le plus souvent, le soir. Recoller un œil ou un bout d’intestin. Et puis, peu à peu, pas à pas, bout à bout, on arrive à dire – mais toujours en bégayant – quelque chose du monde. C’est rare mais parfois d’autres que moi se voient dans ces mots. Alors, je colle pour dire : attention, nous sommes des morceaux – et peut-être pire – mais je n’ose pas le dire – nous sommes des débris.
Finalement, du monde du dedans au monde du dehors, tout est affaire de collage – des poussières d’étoiles et voilà des humains, des nuées d’humains et voilà des problèmes. Alors plutôt que de s’évertuer à être des tonneaux remplis de nous-mêmes, coller c’est parfois se dire qu’on peut inventer de nouvelles façons d’être – loup arbre ou visages mais aussi phacochère ou bien vent ou aurore – qui seront comme des mots que la terre pourra recoller à loisir pour s’en faire des chapeaux quand il fera trop chaud.
photo de couverture : Photo by elizabeth lies on Unsplash